Le manifeste du cercle de l'amateurisme, rédigé en 1919 par Pierre-André Denoir et révélé au public lors du Congrès pour l'amateurisme de Vienne, énonçait pour la première fois les grands principes de la pratique des amateur·ice·s. Aujourd'hui disponible en plus de trois mille langues, l'ouvrage est le plus traduit au monde dépassant de loin le Petit Prince et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

Aujourd'hui, il est nécessaire de prendre soin de l'héritage de la pensée de Pierre-André Denoir, surtout avec la montée au pouvoir d'Yves Baccan et de la classe professionnelle. La pratique amatrice a souffert de l'industrialisation et des journées de travail allongées, privant les citoyen·ne·s de leur précieux temps libre. La prise de conscience collective du besoin primaire de loisir partagé par tous·tes a donné un nouveau souffle au courant amateur, replaçant les écrits de Pierre-André Denoir au cœur du débat. À l'heure ou le spectre du professionnalisme hante les pratiques amatrices (pensons à l'auto-entrepreneuriat et aux « small businesses » au travers desquels le quidam peut commercialiser sa production passionnée, la transformant en une tâche laborieuse, et aux « bullshit jobs » de l'anthropologue David Graeber¹.

Alors, nous appelons à une reviviscence de l'amateurisme politique et à un retour à des activités frivoles, au débordement de l'enthousiasme et à l'entichement pour la collection de trucmuches. Nous appelons à ce que chacun·e s'engage dans une pratique amatrice dès aujourd'hui et à ce que la classe amatrice s'organise et se solidarise pour une démocratisation des pratiques existantes et la création de pratiques inédites.

1. « La classe dirigeante s’est rendu compte qu’une population heureuse et productive avec du temps libre était un danger mortel ». L'opposition des libéraux au temps libre, qui pourrait être dédié aux pratiques amatrices, se manifeste par la création de postes inutiles à la société ayant pour seul intérêt de maintenir un capital financier.

Bureaucratie. L’utopie des règles.
(trad. fr. Les Liens qui libèrent, 2015)